Ces livres qui soignent
Après le livre qui forme, qui instruit ou qui divertit, voici le livre qui guérit !
La bibliothérapie, ou l’utilisation de la lecture dans un contexte de développement personnel et bien-être, n’est pas une nouveauté. Les rayonnages des librairies sont remplis de livres promettant le mieux-être. Cette pratique, nous l’avons héritée de nos amis Anglo-saxons. Pourtant le concept existe depuis très longtemps…
Définition
Dans sa thèse intitulée La bibliothérapie en médecine générale, présentée à la faculté de médecine de Marseille en 2009, Pierre-André Bonnet explique en introduction (p.4) que “le principe de la bibliothérapie est l’utilisation du livre dans le but de soigner. (…) La bibliothérapie correspond à la lecture motivée par une personne ou un tiers, d’un support écrit dont la finalité est une amélioration de la santé mentale, soit par la diminution de la souffrance psychologique, soit par le renforcement du bien-être psychologique.
En France, la bibliothérapie fait figure de thérapie complémentaire ou d’accompagnement dans le bien-être. La profession n’est pas réglementée en tant que telle, même s’il s’agit de faire attention avec la notion de “thérapie” que seuls les praticiens certifiés par l’état (psychologues, par exemple) peuvent normalement revendiqués.
Il existe quelques bibliothérapeutes. Certains ont suivi des formations, d’autres ont développé leurs propres méthodes.
Si la terminologie “bibliothérapie” est assez récente, le concept quant à lui a toujours existé. Nombreux sont les écrivains et lecteurs qui, au cours des siècles, ont noté l’impact positif de la lecture dans leur vie.

Dans la lecture solitaire, l’homme qui se cherche lui-même a quelque chance de se rencontrer.
G. Duhamel

Quels livres nous aident ?
Tous les livres peuvent potentiellement apporter des bienfaits. La lecture reste toutefois subjective et selon les personnes, le même livre ne produira pas nécessairement le même effet. P.-A. Bonnet distingue dans sa thèse trois catégories de livres.
- Les romans, fictions, biographies
- Les livres de développement personnel
- Les livres d’auto-traitement
Les romans, fictions, biographies
Il s’agit de la littérature en générale. Initialement, son objectif est de divertir ou éventuellement faire réfléchir par le biais d’un personnage ou d’une intrigue, fictionnelle ou autobiographique.
Les bienfaits de ce type de lecture sont doubles. Il peut s’agir, au premier degré, d’une simple évasion, un moment de plaisir que le lecteur éprouve lorsqu’il est plongé dans le livre. Il suit les péripéties du héros, s’y identifie et dès lors éprouve des émotions similaires. Il tremble, attend, pleure, aime avec les personnages. Le lecteur, à son insu, ressort de sa lecture ou bien grandi, ou bien “purifié“. Dans ce contexte, la littérature retrouve tout le sens cathartique que donnait Aristote à la tragédie : la purgation des sentiments, des émotions par le filtre des personnages et de l’intrigue.
Au second degré, le lecteur averti peut prendre du recul en comparant certaines situations ou émotions du héros d’un livre avec sa propre réalité. Tout en conservant à l’esprit qu’il s’agit de fiction, le lecteur peut se sentir proche d’une situation vécue par un personnage. De même, il se peut que l’auteur lui-même, par le biais du narrateur ou d’un personnage, interroge le lecteur sur des questions existentielles, philosophiques, spirituelles ou… génériques et propres à la nature humaine.
Ex : Madame Bovary, de Gustave Flaubert, peut amener à réfléchir sur les illusions que l’on se crée dans des relations amoureuses.
Ex : L’alchimiste, de Paolo Coelho, plus métaphorique, interroge entre autres sur le sens que l’on donne à notre vie
Les livres de développement personnel et essais de vulgarisation
Ces ouvrages ont la particularité de mettre à la portée des néophytes des explications sur des maladies ou comportements sociaux. Il peut s’agir de fictions ou d’essais de vulgarisation rédigés par des psychiatres et médecins.
Ces livres connaissent un énorme succès ces dernières années. En 2017, selon un article publié dans LesEchos, le marché surnommé “psycho pop” s’élève à 45,3 millions d’euros pour environ 4,2 millions d’exemplaires vendus.
Deux types d’ouvrages : la vulgarisation sous forme de fiction ou celle sous forme d’essai.
Les fictions sont souvent rédigées par des spécialistes des thérapies brèves, des coachs de vie ou des praticiens en Programmation Neuro-Linguistique. Les auteurs mettent en scène des personnages confrontés à des problèmes courants tels que la confiance en soi, le surmenage, les relations amoureuses, le burn-out, la reconversion professionnelle… On reconnait ce type de roman au fait que bien souvent, parmi les personnages, figure un adjuvant (figure amicale pour le héros) qui se positionne comme un guide ou un coach.
Ex : L’homme qui voulait être heureux, de Laurent Gounelle
Les essais, quant à eux, ont pour vocation d’expliquer une pathologie ou les mécanismes qui conduisent à un trouble psychologique. Les auteurs, psychiatres ou psychologues, apportent explications, conseils et / ou réponses.
Ex : Comment gérer les personnalités difficiles ?, de Christophe André et André Lelord.

Les livres d’auto-traitement
Les Américains les appellent aussi Help-Self Books. Ces ouvrages abordent des thématiques très variées, souvent des problématiques communes à la plupart des êtres humains : s’organiser, la connaissance de soi, l’estime, la confiance, le couple… Ils se présentent comme des livres méthodologiques, de conseils, de recettes miracles. Ils se distinguent des essais cités précédemment par le fait que les auteurs ne sont pas nécessairement diplômés en médecine ou certifiés en psychologie / psychiatrie. La plupart de ces livres mélangent des techniques très diverses dont certaines ne sont pas validées par la science. On y trouve un mélange de méditation, spiritualité, philosophie et thérapies comportementales.
Bien que ces essais aient le vent en poupe, il s’agit de les prendre avec quelques pincettes. Ce qui fonctionne sur les uns ne fonctionne pas forcément sur les autres. Ne pas oublier non plus que beaucoup de ces auteurs proposent en supplément de leur livre des coachings et conférences très onéreuses.
Il ne s’agit pas de remettre en question les techniques développées dans ces livres ou la légitimité des auteurs. Du moins, tant que cela apporte le réconfort et non le malaise, le découragement voire la culpabilité.
Ex : Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même, de Lise Bourbeau
Ex : Changez de vie en 7 jours, de Paul McKenna

Observations personnelles
J’ai toujours considéré que la lecture apportait des bienfaits : le divertissement, l’apprentissage, l’enrichissement du vocabulaire et… des réponses aux questions existentielles. Toutefois, j’ai vraiment pris la mesure de la bibliothérapie lorsque je travaillais en librairie.
En effet, l’une des missions du libraire, c’est de conseiller les clients sur les livres. Le développement personnel, la psychologie, la philosophie, la spiritualité n’étaient pas les rayons que je gérais. Toutefois, ils se trouvaient à proximité des miens et j’étais amenée à conseiller dans tous les domaines. Très rapidement, je me suis aperçue que les clients ne venaient pas juste avec un titre de livre à acheter. Cela arrivait, bien entendu, mais souvent, ils se présentaient en librairie avec un problème à résoudre ou, tout au moins, ils étaient à la recherche de clefs.
J’ai vite compris et validé la théorie de P.-A. Bonnet concernant les trois types de livres. En effet, selon la personnalité et le profil face à moi, les clients avec une même problématique recherchaient des ouvrages différents. Certains voulaient des livres spécialisés parce qu’ils avaient besoin de comprendre pour se rassurer, d’autres souhaitaient des “recettes miracles” pour aller vite, d’autres encore quêtaient de la spiritualité, des métaphores, de la philosophie. J’ai ainsi appris à cerner les clients et à leur recommander des ouvrages au plus proche de leurs besoins.
D’autre part, ainsi que mentionné précédemment, la plupart des clients ne venaient pas juste pour acheter un livre. Souvent, ils avaient besoin de parler, de converser sur le sujet qui leur tenait à coeur. Ils évoquaient leurs soucis, leurs questionnements, achetaient le ou les livre(s) conseillé(s) puis revenaient quelques semaines plus tard, soit pour échanger sur les réflexions suscitées par leur lecture, soit pour demander un autre ouvrage afin d’approfondir leurs réflexions et ressentis.
Limites de la bibliothérapie
Certains thérapeutes, médecins généralistes ou psychologues, y compris dans les hôpitaux, se sont mis à prescrire des livres à leurs patients dès lors qu’ils les savaient lecteurs et réceptifs. Il existe quelques formations, toutefois elles servent surtout à donner légitimité à celles et ceux des praticiens qui ne peuvent justifier d’un diplôme spécifique et réglementé. La pratique de la bibliothérapie exclusive en cabinet reste à la marge. La plupart du temps, il s’agit d’une combinaison de diverses pratiques complémentaires en bien-être.
La majorité des adeptes de la bibliothérapie sont des lecteurs à l’origine, c’est-à-dire qu’ils connaissent déjà plus ou moins les bienfaits de la lecture. Une exception pour les clients en recherche de “méthodes miracles” : dans ce cas, même des non-lecteurs se mettent à lire. Il n’empêche qu’il s’agit finalement d’une pratique personnelle, individuelle.
Dès lors, la bibliothérapie montre quelques limites. En effet, elle n’a selon moi d’intérêt que si elle est suivie d’un retour sur soi et d’un recul. En d’autres termes, pour que cette pratique soit efficace, il s’agit ensuite de se questionner, d’approfondir le sujet au travers de ses ressentis et réflexions.
On part généralement du principe que le lecteur est capable de le faire : c’est faux ! D’une part, parce que nous sommes inégaux face à la pratique de la lecture et de ses interprétations : un profil littéraire est plus habitué à capter des sous-entendus ou messages implicites dans un livre au-delà du premier degré de l’intrigue, par exemple. D’autre part, parce que nous n’avons pas toujours le recul nécessaire pour nous poser les bonnes questions, celles qui permettent un vrai retour sur soi. Enfin, parce que nous ne sommes pas toujours en mesure de créer du lien entre une situation de fiction et une autre, différente, mais proche du vécu.
La pratique est et reste individuelle puisque le lecteur sera toujours seul face à son livre. Toutefois, pour une véritable efficacité, il me semble que les échanges sont nécessaires avec d’autres lecteurs du même ouvrage, en groupe et / ou guidés par une personne qui possède des connaissances littéraires (au sens large) étendues et qui maîtrise la compréhension fine des livres ainsi que le questionnement thérapeutique ou à défaut, philosophique.
Sans cela, la plupart du temps, la lecture se cantonne à la dimension plaisir, parfois consommable, génère éventuellement de la frustration chez le lecteur qui ne comprend pas l’exceptionnalité d’un ouvrage, voire culpabilise celles et ceux qui ne perçoivent pas les changements promis dans leur vie.
Avertissement
Nous rappelons que la pratique de la bibliothérapie ne peut en AUCUN CAS se substituer à un traitement médical et / ou un suivi thérapeutique. Il s’agit d’un soutien, d’un complément et non d’une alternative.
Ping : #1 - Les indécis d'Alex Daunel - Scriberina
Ping : #3 La théorie des poignées de main de Fabienne Betting - Scriberina
Ping : #4 - Perfect City d'Helena Duggan - Scriberina
Ping : #6 - Même les méchants rêvent d'amour d'Anne-Gaëlle Huon - Scriberina
Ping : #8 - Le secret de Pollyanna d'Eleanor H. Porter - Scriberina